Quelle routine adopter ?
R. me demande : « Quelle routine conseilleriez-vous à un élève de prépa ? Faut-il faire un emploi du temps ? Et faut-il faire des fiches ? »
Le mot “routine” est très bien choisi parce que la prépa n’est pas un sprint, il faut tenir sur plusieurs mois donc adopter des habitudes régulières de travail.
La première chose à dire concerne la quantité de travail. Ta compétence aux concours dépendra à la fois de tes capacités et du travail que tu auras fourni pour les cultiver. Jusqu’à un certain point, plus tu bosses, plus tu progresses. Mais attention, passé ce point le rendement devient négatif, c’est-à-dire que tu fais moins bien que si tu avais travaillé un peu moins. Par exemple, si tu manques de sommeil parce que tu as bossé tard la veille, ton attention sera insuffisante en cours et tu ne seras pas efficace pour ton labeur quotidien.
Il faut donc ménager ton sommeil. L’idéal est de pouvoir assurer 8 heures de sommeil chaque nuit. Certains ont besoin de plus de sommeil, et rares sont ceux qui peuvent tenir longtemps à raison de 7 heures par nuit. Si je me souviens bien, à Ginette (Sainte-Geneviève), une prépa jésuite connue entre autres pour régler la vie de ses élèves, la règle est l’extinction des feux à 22h30 et le réveil à 7h, ce qui fait environ 8 heures de sommeil.
Ensuite, dans ton temps d’éveil tu dois séparer le travail et le loisir. Même si tu aimes beaucoup ce que tu étudies en prépa, tu as besoin de faire un peu autre chose de temps en temps.
La quantité de loisir dont tu as besoin n’est pas la même que celle de ton voisin. Elle varie aussi avec ton entraînement à rester concentré pendant de longues périodes, et avec ta fatigue. Pour connaître tes limites, pousse-toi au maximum et observe à quel moment tu craques.
Je te recommande d’avoir deux types de loisirs : des courts et un long. Les courts, c’est un peu chaque jour, des petites pauses de cinq à dix minutes pendant lesquelles tu marches au grand air, tu plaisantes avec tes camarades, tu chantes sous la douche… Ces petites respirations font vraiment du bien. Pendant ces quelques minutes, oublie complètement le théorème de Cayley-Hamilton et les substitutions nucléophiles, oublie la prépa, redeviens un ado qui s’amuse. Il t’en faut probablement deux par jour, une le midi, une le soir. Le loisir long, ça peut être une fois par semaine, quelque chose qui te vide complètement l’esprit sans t’épuiser. Pour ma part, j’allais au cinéma chaque samedi vers 16 h car cette solution présente l’avantage d’être une vraie sortie ; en outre, j’étais interne dans un lycée proche d’un cinéma. (Comme je ne respectais pas bien la règle sur la régularité du sommeil, je faisais aussi la grasse matinée tout le dimanche matin…)
Je mets à part la lecture. Personnellement, j’ai constaté que je dors mieux, que je suis plus reposé le lendemain, si la dernière chose que je fais avant de dormir est de lire quelques pages d’un roman qui me transporte ailleurs. Cela diminue la probabilité que le sommeil soit parasité par les difficultés de la journée. Évite les vidéos, car c’est plus difficile de s’arrêter. Ces lectures sont aussi l’occasion de lire plusieurs fois au cours de l’année l’oeuvre littéraire au programme (Vinaver), ce qui t’assurera d’avoir en tête un catalogue d’exemples pour tes dissertations aux concours. Une autre possibilité est de lire un roman en anglais, écrit dans une langue facile, parce que cela fait faire des progrès prodigieux dans la maîtrise de la langue. Si tu peux, lis sur un téléphone ou sur une tablette, en mode sombre uniquement, toutes lumières éteintes, car cela prépare ton endormissement.
À l’inverse des loisirs, tu peux lire l’énoncé d’un exercice avant chaque temps “mort”, par exemple un temps de marche, de repas ou d’attente. Tu peux alors alterner, dans ta tête, entre socialiser et réfléchir. Rechercher de tête un exercice “longtemps” (par exemple une heure) apporte des enseignements riches et variés, même quand on ne parvient pas à le résoudre.
Ce cadre étant posé, on peut en venir à l’organisation de la semaine. Il est inutile de préparer un emploi du temps précis puisque tu ne maîtrises pas tout ce qui t’arrive : un cours spécialement difficile et long à assimiler, un rhume, un DM interminable, un basket improvisé, un copain à consoler… En revanche, il est bon d’avoir en tête les grands jalons, c’est-à-dire les devoirs (sur table ou à rendre) et les colles. C’est l’affaire d’une minute le dimanche soir.
Le point crucial de chaque journée est de toujours apprendre les cours de la journée le soir même. Je sais que c’est difficile. Et cela demande souvent des arbitrages, parfois des sacrifices. Mais ça fait une différence incroyable entre ceux qui le font et les autres. Le jour même, on se souvient de détails dits oralement qui viennent éclairer ce que l’on a noté (ou oublié de noter). Le jour même, on comprend beaucoup plus facilement (donc plus vite) que si on attend le week-end et que des tas d’autres cours se soient empilés depuis. Ensuite, le lendemain, on comprend mieux le nouveau cours. Et on peut poser des questions à ses camarades et au prof, qui répondra plus volontiers si la question porte sur le chapitre du moment que si elle porte sur celui de la semaine précédente.
Encore mieux qu’apprendre le cours, c’est travailler le cours. Le situer dans le paquet des choses apprises cette année. Comprendre quel problème ce théorème résout. Comparer le nouveau chapitre à un autre. Ces questionnements ne prennent que deux minutes et sont vraiment utiles. Chercher ce qu’a d’étonnant un résultat, chercher un contre-exemple (cela permet de sentir la nécessité du théorème, donc d’entraîner l’intuition, et aussi de constater l’importance des hypothèses), faire une application directe facile pour vérifier qu’on a compris…
Je te conseille aussi de… colorier ton cours. Avec des crayons de couleur (pas des feutres ou des surligneurs), colorie légèrement en rouge (par exemple) les définitions, je veux dire tout le texte de la définition, pas juste faire une croix dans la marge ; en vert les théorèmes ; en bleu les autres résultats à retenir. Si tu fais cela, tu n’auras pas besoin de faire des fiches, qui demandent trop de temps.
Enfin, dans la marge, note au crayon papier de manière lapidaire les points essentiels de ce que tu n’as pas colorié : l’idée de la preuve d’un théorème (exemple : “par densité”), l’astuce qui débloque un exercice (exemple : “chgt var u=sin(t)”) ou la méthode de résolution adoptée.
En résumé :
borne ta journée pour préserver ton sommeil ;
détend-toi complètement pendant tes deux petites pauses quotidiennes ;
bosse le reste du temps ;
priorité chaque soir à apprendre les cours de la journée ;
annote et colorie ton cours pour t’aider à te l’approprier.
Sébastien.