Qu'est-ce qui est spécifique aux ENS ?
L. me demande :
J'ai une question qui me trotte dans la tête depuis la SUP : pourquoi la préparation aux écrits comme aux oraux des ENS semble différer tellement des autres écoles selon l'opinion publique, même de l'X ? Avoir une culture mathématique/physique très affinée, maîtriser plusieurs hors-programme et surtout le bachotage d'annales ne semble en général pas trop fonctionner.
Info ou intox ? Votre avis sur cela, et finalement comment au mieux préparer les ENS ?
Merci énormément pour votre travail, et sa qualité, et bravo à toute l'équipe de Doc Solus qui fait vivre ce projet incroyable qui n'existait pas à l’époque où mes parents auraient rêvé d'avoir un tel service à leur disposition en prépa.
La question concerne les ENS, mais la réponse sera plus claire en parlant aussi des autres concours.
Il faut partir d'un constat : personne n'arrive aux concours en ayant une maîtrise parfaite de tout le cours et de tous les exercices dans toutes les matières.
Il n'y a tout simplement pas assez de temps en prépa pour cela.
Le cours est la base, car sans lui on ne peut rien faire ; mais on peut faire bien des exercices en ne possédant qu'une partie du cours.
Apprendre les points saillants du cours, comme les définition et les théorèmes, et connaître les exercices vus en TD suffit pour avoir une bonne note à une épreuve écrite d'e3a. (Il n'y a pas d'épreuve scientifique à l'oral de ce concours).
Pour CCINP, ça se complique, il faut avoir étudié le cours moins superficiellement, avoir travaillé plus d'exercices et s'être frotté à des problèmes.
Aux Mines et à Centrale, il faut connaître le cours sur le bout des doigts et avoir travaillé de nombreux exercices et sujets d'écrit.
Dans tous les concours entre e3a et Mines/Centrale, on est évalué sur sa capacité à faire, à résoudre, avec une difficulté croissante, dans un contexte bien connu.
À partir de là, comment rendre un sujet d'écrit ou d'oral plus difficile ?
Une voie est d'accroître la distance entre le cours et le résultat demandé. On ne peut alors trouver un chemin vers la solution qu'en intercalant soi-même des résultats intermédiaires. Intuiter ces derniers demande, selon le contexte, soit la maîtrise de nombreuses routines de raisonnement et de calcul, soit une profonde compréhension du cours.
L'X et les ENS utilisent cette stratégie d'écartement, et ce sont plutôt les ENS qui empruntent la branche « cours ».
Une autre voie est de se placer dans un cadre qui, sans être totalement nouveau, diffère de celui du cours. Pour s'en sortir, il ne suffit pas de bidouiller avec brio sa panoplie d'exercices, il faut posséder suffisamment le cours pour identifier ses parties encore valables et des manières de le mettre en oeuvre. Cela se fait en général en adaptant au contexte nouveau les idées fortes du cours disparu. On entre là dans des compétences de type recherche.
Cette stratégie est parfois utilisée par les concours, plutôt les ENS que l'X, aux oraux à fort coefficient.
L., je peux maintenant répondre à ta question : ce qui met le concours des ENS un peu à part, c'est qu'il nécessite une maîtrise du cours qui n'est pas indispensable aux autres concours. Il ne suffit pas de connaître parfaitement le cours, il faut avoir pris du recul pour être capable d'énoncer ses dépendances, les raisons de certains choix, et savoir traduire cette réflexion en action. Il faut aussi avoir en tête des modèles de raisonnement, mais moins qu'à l'X.
Dit autrement, l’X est le concours le plus technique, les ENS le concours le plus théorique.
À bientôt, et n’hésitez pas à envoyer vos questions !
Sébastien.