« Comment progresser en colle ? »
L. me demande :
Bonjour monsieur,
Je suis un élève en 5/2 en filière PC et je vise le concours mine pont. Ma 3/2 n’étais pas très glorieuse car je n’avais toujours pas compris comment travailler. En 5/2, ça se passe beaucoup mieux à l’écrit. En revanche, je n’arrive pas à comprendre pourquoi je n’ai pas autant progressé à l’oral. Un autre 5/2 qui est dans mon groupe de colle qui a aussi de bon résultat a presque systématiquement des meilleurs notes que moi en colle. Je ne comprends pas car j’ai presque tout le temps des meilleurs notes sur les devoirs écrits. Je suis alaise à l’oral, je ne ressens pas particulièrement de stresse, je vais en colle en connaissant mon cours. J’ai juste l’impression d’être moins bon. C’est sûrement dans la tête ?
Pour résumer : quels sont vos conseils pour que je puisse m’améliorer à l’oral autant que mon améliorations à l’écrit ?
Merci pour votre site et votre futur réponse
Si je comprends bien, en 5/2 tu as beaucoup progressé (bravo !), c’est net à l’écrit mais moins à l’oral.
Par exemple, tu es meilleur à l’écrit que ton camarade de colle mais il est meilleur que toi à l’oral.
Attention, on a tendance à retenir les événements marquants (comme une différence de note importante) tandis que l’on ne prête pas attention aux événements bénins (comme des notes quasi-identiques).
Comparer toutes vos notes d’écrit et d’oral depuis le début de l’année révélerait peut-être que la différence entre vous n’existe pas vraiment, en moyenne, que ce soit à l’écrit ou à l’oral.
Mais je vais faire l’hypothèse que tes données sont fiables.
J’ai un problème : L., tu ne me dis pas comment se passent tes colles.
Tu connais ton cours, c’est bien, et à ce stade tu as dû comprendre que le bon moment pour apprendre son cours, c’est le soir-même, quand tout est frais dans ton esprit.
Tu ne parles pas des exercices faits en TD. Les révises-tu autant que le cours ? Je fais l’hypothèse qu’il n’y a pas de problème de ce côté non plus.
Il reste alors deux possibilités : soit tu réussis moins bien les exercices que les problèmes, soit ton interaction avec le colleur n’est pas optimale.
Les exercices et les problèmes
Un problème a un contexte.
Le plus souvent, il a un but clairement affiché.
Le problème raconte une histoire à trous et il s’agit de combler les blancs.
Dans un problème, on est donc guidé par une narration.
Dans un exercice, il faut créer soi-même l’histoire qui lui donne sens.
Cela pourrait expliquer que tu te sentes plus à l’aise avec les problèmes qu’avec les exercices.
Une autre piste, c’est qu’une question d’un problème est calibrée pour être résolue par un élève seul, tandis qu’un exercice un peu difficile est calibré pour être résolu après avoir reçu une indication.
Le champ des possibles est donc plus ouvert dans un exercice.
Démarrer un exercice est difficile, tout particulièrement en maths.
L., est-ce que c’est le démarrage d’un exercice qui te pose problème ?
L’interaction avec le colleur
Une autre origine possible pour ta réussite plus basse en colle qu’à l’écrit réside dans tes interactions avec tes colleurs.
Peut-être que les colleurs n’ont pas la même perception de toi et de ton camarade.
Pense qu’une colle, ce n’est pas un écrit au tableau.
Il s’ajoute une composante humaine.
Ton colleur n’est pas un oracle abstrait, ni une machine.
C’est un humain.
Il est sensible à l’attitude, la politesse, la ponctualité, mais aussi aux habits, au soin de l’écriture.
Ça, c’est la base.
Il réagit aussi à ta manière de le regarder, de te tourner ou non vers lui quand tu parles.
A-t-il le sentiment que tu es passif au tableau ?
Que tu le traites comme un distributeur d’astuces qui serait paresseux ou bloqué ?
Est-ce que tu lui coupes la parole ?
Considère toujours tes examinateurs comme des êtres humains plutôt que comme des personnes remplissant une fonction.
Une caissière a un prénom et une vie en dehors du magasin ; ton interrogateur aussi.
Il veut interagir avec toi.
Je ne te conseille pas d’être obséquieux ni, à l’inverse, de lui parler comme à un pote : il suffit de lui accorder sa vraie place.
Par exemple, tu peux penser à chacun de tes colleurs en l’identifiant par son nom de famille, plutôt que par son prénom ou par le raccourci « le colleur ».
Un colleur apprécie qu’un élève soit volontaire et à l’écoute.
Qu’il parle suffisamment fort.
Que ses propos soient clairs et bien ordonnés.
Qu’il fasse preuve d’autant de rigueur dans son expression que dans ses raisonnements.
Qu’il décroche parfois un sourire à bon escient.
Il n’aime pas un élève qui fait la nouille molle : passif, attentiste, glissant.
À niveau égal et réalisations égales, un élève qui interagit bien avec un colleur aura une note un peu meilleure.
Mets en valeur ton travail
Une fois que tu as assuré l’interaction entre êtres humains, tu peux en venir à la présentation de ce que tu as fait.
Tu sais comment il faut poser les bases de la résolution :
catégoriser le problème
identifier le chapitre du cours
faire un dessin dès que possible
repérer les symétries
adopter des notations
proposer une analyse qualitative du problème
examiner si besoin des cas particuliers ou des cas limites
Au milieu, tu ne manques pas de :
vérifier toutes les hypothèses des théorèmes
vérifier l’homogénéité
recompter tes calculs
À la fin, tu portes un regard critique sur ton résultat :
homogénéité
unités correctes
signe des grandeurs
vraisemblance du résultat
nombre de chiffres significatifs
influence des paramètres
limites du modèle
Tu dois non seulement faire cela, mais aussi le communiquer au colleur.
Sans zèle excessif : tu donnerais l’impression de suivre une check-list de décollage si tu mentionnais une étape quand elle est triviale.
Ne laisse pas ton tableau parler pour toi.
À l’oral, il faut communiquer.
Si tu sèches, expose ce que tu as tenté et pourquoi ça n’a pas fonctionné.
C’est bien mieux qu’un « j’ai pas su faire », qui laisse ton interrogateur penser le pire.
Quand tu as abouti à une solution, marque bien les étapes clefs, comme un chapelet de villes le long d’une route.
Entoure dès que nécessaire.
Fais des énumérations avec des puces.
Utilise toute astuce de présentation qui facilite la transmission de tes idées et la vie du colleur.
Bref, fais ce que tu peux pour que ta colle soit un oral vivant.
Exploite les indications
Considère que le colleur est toujours ton allié.
Il ne cherchera jamais à te piéger en t’envoyant dans une mauvaise direction.
Dès qu’il te parle, cesse ce que tu faisais.
Ne continue pas tes calculs, car il ne t’aurait pas interrompu s’ils avaient pu aboutir.
Tourne-toi vers lui.
Regarde-le.
S’il te pose une question, réfléchis un instant et réponds sans détour.
Surtout, ne cherche pas à noyer le poisson en répondant à côté ou en lui jetant du jargon sans substance.
S’il te donne une indication, abandonne ta piste précédente.
Mets tous tes efforts à comprendre comment elle impacte ce que tu as fait jusqu’à présent, jusqu’où tu dois revenir en arrière et dans quelle direction avancer.
L., note bien que je n’ai aucune idée de tes forces et de tes faiblesses réelles à l’oral.
Peut-être que tu fais déjà tout cela très bien et que ces conseils généraux ne sont pas une clef pour expliquer les différences que tu observes.
Il y a cependant des personnes qui peuvent t’en dire plus parce qu’elles te connaissent bien : tes camarades de colle, tes colleurs et ton prof.
Si tu les abordes en disant d’emblée que tu n’as aucune réclamation sur tes notes mais que tu cherches à améliorer ce qui tourne autour des oraux, il y a de bonnes chances qu’ils te donnent des conseils personnalisés.
Ils seront peut-être réticents à articuler des critiques, à souligner tes défauts.
Fais-les parler, demande-leur des précisions.
Pas comme si tu menais un interrogatoire, mais comme quelqu’un qui veut comprendre ses erreurs à partir d’exemples.
Pour résumer : à ton travail sur le fond, ajoute du travail sur la forme, fais-toi conseiller par les mieux placés, et tu devrais passer devant ton camarade de colle.
Bon courage !
Sébastien.




