« Comment affronter les concours après une 5/2 faible ? »
N. me demande :
Bonjour Doc,
Je suis un 5/2 en MPI avec un niveau vraiment pas terrible. Malgré un travail fourni et tout de même conséquent, je ne sais même pas si je serais capable de passer la barre d'admissibilité de CCINP.
Les concours approches et les périodes de révision arrivent aurait tu des conseils à donner à un étudiant très moyen dans les matières scientifiques.
N., ton désarroi est palpable dans ton courrier. Tu as trimé en prépa, fait le choix courageux de redoubler ta spé, et en fin de parcours tu redoutes d'échouer à tout. C'est dur. Vraiment dur.
Je te dirais bien de t'accrocher, mais j'ai l'intuition que ce n'est pas utile : tu as un mental solide. Tu ne vas pas laisser tomber, de découragement, quelques semaines avant les épreuves.
Quel est ton vrai niveau ?
La première chose qui me vient à l'esprit, c'est que l'on sait rarement bien évaluer son propre niveau.
J'ai payé pour le savoir : en 3/2, je m'attendais tellement à ne rien avoir que je n'ai même pas passé les ENS (les seules écoles qui m'intéressaient) — et au final, j'ai eu les Mines de Paris.
Il y a aussi beaucoup de professeurs qui pensent que le meilleur moyen de motiver un élève, c'est de le faire paraître moins bon qu'il n'est réellement. De le rabaisser afin de stimuler son orgueil. À cause de cela, il est possible que tu ne puisses pas non plus connaître ton vrai niveau en posant directement la question à tes profs.
Tu as cependant deux possibilités pour t'évaluer.
La première, c'est de te comparer aux autres élèves de ta classe. Tu connais peut-être cette citation de Talleyrand ? « Quand je m'examine, je m'inquiète. Quand je me compare, je me rassure. »
Si tu fais l'hypothèse que tes profs notent avec la même sévérité les 5/2 et les 3/2, tu connais à peu près ton rang dans ta classe.
Cherche les résultats d'intégration de ta classe les années précédentes et regarde combien d'élèves n'ont pas intégré sur au moins CCINP.
Est-ce que ton rang actuel te permet d'espérer que tu ne seras pas dans ce lot ?
La deuxième méthode, c'est de réserver une demi-journée d'un week-end pour traiter une épreuve de CCINP.
Choisis la matière dans laquelle tu te sens le plus à l'aise.
Travaille dans les conditions du concours : pas d'interruptions, pas de téléphone.
Traite toutes les questions que tu peux, en rédigeant véritablement.
À l'issue de la durée de l'épreuve (généralement 4 heures), pose ton stylo, prends l'air, mange un morceau.
Si tu peux, regarde ensuite le corrigé. À défaut, regarde au moins le rapport du jury.
On ne connaît pas le barème qui était utilisé par le jury, mais on peut le simuler grossièrement en divisant le nombre de questions réussies par le nombre total de questions : cela te donnera ta note approximative.
Regarde alors dans le rapport du jury les statistiques pour cette épreuve.
Tu pourras te comparer aux candidats de l'an dernier.
Et aussi à ta propre note de l'an dernier : tu verras que tu as progressé.
À l'issue de ce processus de comparaison (classe ou épreuve ou les deux), tu auras une meilleure idée de ton niveau actuel. Peut-être que le résultat coïncidera avec ce que tu penses actuellement, peut-être pas. Ça vaut le coup de faire cette mesure.
Interroge tes profs
La question que tu m'as posée est un peu vague. Ce n'est pas un problème car il m'aurait de toute façon été impossible de te donner une réponse précise, faute de connaître tes forces et tes faiblesses.
Tes professeurs, par contre, te connaissent bien. Ils t'observent en classe, te soupèsent en colle, voient tes erreurs dans les DM et les DS, et peuvent te comparer aux centaines d'élèves qu'ils ont vus avant toi.
Parce qu'ils te connaissent bien, et parce qu'ils ont une énorme expérience, ils peuvent te donner des conseils qui sont bien adaptés à tes capacités.
Peut-être que tu trouverais intérêt à leur poser des questions plutôt fermées.
Par exemple, plutôt que « Comment faire pour tirer le meilleur profit des révisions ? », tu pourrais dire « Vous avez vu mes copies pendant deux ans, vous avez une bonne idée du type d'élève que je suis ; selon vous, parmi toutes les choses que les élèves peuvent faire dans les semaines qui restent, quelle est celle qui améliorerait le plus mes résultats aux concours ? »
Avec de la chance, ce sera l'occasion d'amorcer avec eux un dialogue lors duquel ils te donneront des conseils personnalisés.
Les révisions
En 5/2, la manière standard de réviser les écrits est d'alterner sujets d'écrits et cours.
Plus précisément, travailler sur des sujets de concours et, dès que l'on a un doute sur un résultat du cours (ou un exercice vu en TD), consulter ce dernier sur le champ, sans précipitation, pour bien se le remettre en tête.
Comme tu dis avoir fourni un travail « conséquent », je suppose que tu n'as pas d'impasse, c'est-à-dire de chapitre sur lequel tu ne sais rien ou presque.
Il y a des chapitres que tu maîtrises mieux que d'autres, c'est normal. Tu tomberas dessus ou pas lors des épreuves, c'est la part de hasard des concours.
Ce qu'il faut éviter, c'est d'être faible sur un chapitre incontournable. Si tu t'es inscrit sur Doc Solus, tu as reçu le tableau qui récapitule les chapitres qui tombent le plus souvent dans chaque épreuve. Tu as ainsi pu remarquer, par exemple, que la réduction et les suites/séries de fonctions sont tombées chaque année depuis 9 ans à CCINP MP, tandis que les équations différentielles n'ont figuré que 2 fois. En physique, il est quasiment certain que la mécanique et l'électromagnétisme vont tomber une nouvelle fois, tandis que les ondes mécaniques/sonores et la physique statistique seraient des surprises.
Ne néglige pas la chimie, même si elle semble anecdotique en MPI. C'est la matière la moins abstraite, la plus prévisible, dans laquelle le travail paye toujours, sans aléa.
e3a
Tu dis redouter de ne pas être admissible à CCINP.
Mais tu ne parles pas d'e3a.
C'est vrai que ce dernier concours est plus facile, donc moins valorisant.
Mais dans le fond, ce qui comptera à long terme, ce sera moins le concours que tu auras réussi que l'école que tu auras intégrée, et même, au final, le métier que tu auras choisi.
Et sur e3a, comme sur CCINP, il y a des écoles qui valent le détour.
Comme tu es évalué par des notes, sans relâche, depuis quinze ans, tu tends à évaluer toi aussi les écoles selon une métrique quantitative, comme le rang du dernier admis. C'est normal, c'est très répandu.
Et pourtant, les principaux paramètres sont ailleurs.
Quelles sont les activités qui t'attirent et que tu te verrais bien faire pendant tes premières années de vie active ? Aimes-tu bidouiller des prototypes de robot ? Rêves-tu de fusées ? Veux-tu construire des ponts, les bottes plantées dans la terre ? Est-ce le clavier du programmeur qui t'appelle ? Veux-tu développer une intelligence artificielle pour dialoguer avec elle ?
Ce sont les vraies questions qui devraient guider le choix de ton école.
Les métiers des ingénieurs sont variés, enthousiasmants ; ne t'arrête pas au seul prestige.
D'autant qu'une école d'e3a peut être une bonne école, avec des profs spécialistes et à l'écoute, des labos à la disposition des élèves, des logements qui favorisent la vie sociale, des projets à foison...
Si l'an prochain tu étudies dans un domaine qui te plaît, tu auras réussi tes concours, quelles que soient tes notes.
Mais en attendant, vise aussi haut que tu peux.
L'objectif n'est pas vraiment de flatter ton ego en réussissant une école dont ta grand-mère a déjà entendu parler.
Il est d'ouvrir autant que possible l'éventail d'écoles qui te sera proposé, afin que tu puisses choisir ce dont tu as le plus envie.
Bon courage pour les révisions, bonne chance pour les concours !
Sébastien.